Aminadab by Maurice Blanchot

Aminadab by Maurice Blanchot

Auteur:Maurice Blanchot [Blanchot, Maurice]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gallimard
Publié: 1942-04-15T00:00:00+00:00


— Mais non, dit le jeune homme ; quel être étrange vous êtes ! On me reproche même d’être trop sévère à leur égard. Mon Dieu, ajouta-t-il effrayé, si vous voilà déjà en colère à cause de ces bagatelles, comment entendrez-vous les autres méfaits qu’il leur arrive de commettre ? Dois-je vous les dire ?

— C’est à vous d’en décider, répondit Thomas, mais peut-être me croyez-vous plus ignorant que je ne le suis, peut-être en sais-je déjà quelque chose.

— Quel enfantillage ! dit le jeune homme avec impatience. Comment pourriez-vous être au courant ? Est-ce que nous-mêmes nous savons tout ? Avez-vous entendu parler de ce qui se passe dans les chambres, de ce qui arrive là-haut avec les malades ?

— Je ne sais rien, c’est entendu, dit Thomas. Je sais pourtant que les domestiques, sans tant de façons, peuvent être accusés de meurtre.

— C’est une manière de parler, répondit le jeune homme. Faites-vous allusion aux moyens qu’ils emploient pour se débarrasser de certains locataires, en leur rendant le séjour particulièrement incommode, en transformant leur lit en une petite machine infernale ? Ce n’est pas bien grave, c’est plutôt une mauvaise plaisanterie. Il suffit de prendre quelques précautions. Pour éviter ces inconvénients, nous avons renoncé à nous coucher et, dans bien des chambres, les lits ont été enlevés à la demande des locataires. C’est probablement ce résultat que les domestiques voulaient atteindre, car ils détestent faire les lits ; généralement, au milieu de leur travail, ils sont pris de vertige et ils sont obligés de s’étendre sur les matelas où un sommeil pénible les accable, ce qui leur est très désagréable, car ils affirment qu’ils ne dorment jamais. Tout cela n’est pas bien grave. Si nous n’avions rien d’autre à leur reprocher, nous ne songerions même pas à nous occuper d’eux. Mais combien d’actes plus répréhensibles ne commettent-ils pas ? Et à la vérité, il ne s’agit pas d’actions à proprement parler, quoique quelques-unes soient réellement très laides, c’est plutôt une manière d’être, une conduite générale que l’on sent dirigée par d’infâmes motifs. Quand ils entrent dans nos chambres, ailleurs ils sont moins hardis, ils se contentent de nous regarder d’un air sournois et soupçonneux pour nous faire croire qu’ils savent ce que nous pensons ; quels regards ! ou plutôt c’est faux, ils ne nous regardent pas, ils sont incapables de nous regarder, mais ils tournent autour de nous avec des yeux qui ne se fixent nulle part et qui nous surveillent et nous inspectent là où nous ne sommes pas. Que cherchent-ils ? Qu’ont-ils en vue ? En apparence leur enquête est légitime, ils veillent à ne pas nous laisser seuls avec des pensées que par négligence ou par timidité nous hésiterions à exprimer, ils veulent devancer nos désirs, ils se mettent autant que possible à notre place. Cela rentre expressément dans leurs obligations. Mais, vous le devinez, ce n’est pas à leurs devoirs qu’ils songent. Ils se moquent bien de nous empêcher de mal faire. Avec leurs



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